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Le coussin de fonds propres contracyclique (Fiche concept)

 

Le coussin de fonds propres contra-cyclique

La crise sanitaire que nous vivons actuellement suscite de vives inquiétudes sur le plan économique. Afin de permettre aux banques d’assurer l’octroi des prêts aux ménages et aux entreprises, le Haut conseil de stabilité financière [i] (HCSF) a décidé de fixer le taux du coussin de fonds propres contra-cyclique à 0% au 1er avril 2020, alors qu’il était censé atteindre les 0.5% [ii] à cette même période.

Un outil s’inscrivant dans une stratégie de renforcement du système bancaire…

En conséquence des dégâts liés à la crise des Subprimes en 2008 et en prévention de chocs potentiels, le renforcement de la résilience des banques apparaissait comme nécessaire. C’est dans ce contexte qu’en 2010, le Comité de Bâle, compétent pour discuter des questions relatives à la supervision bancaire, a mis en place un nouvel outil lors des accords de Bâle III : le coussin de fonds propres contra-cyclique.

Cet instrument s’inscrit dans le cadre de la politique macroprudentielle qui vise à prévenir le risque systémique correspondant à un risque de défaillance globale du système financier, susceptible de se répercuter sur l’ensemble de l’économie réelle.

Le coussin de fonds propres contra-cyclique a pour objectif de contrer les effets du cycle économique sur les prêts bancaires. Plus précisément, le principe est de renforcer les exigences de fonds propres des banques durant la phase ascendante du cycle (caractérisée par un emballement du crédit, un excès de confiance des agents) [iii] et de les desserrer en phase descendante du cycle (caractérisée par un risque de défaut des emprunteurs, des difficultés économiques). Par ce mécanisme, les banques sont davantage en capacité de fournir la liquidité suffisante en temps de crise afin d’éviter une situation de perte de confiance et de réduction de prêts. De surcroit, ce mécanisme permettra aux banques d’appréhender plus aisément les pertes inscrites à leur actif en phase descendante. Ainsi, cet instrument a deux objectifs. D’une part, comme expliqué précédemment, il permet de renforcer la résilience du système financier en assurant des ressources au bilan des banques. D’autre part, il permet de ralentir la hausse du crédit pouvant survenir en phase ascendante du cycle financier, et de limiter la baisse du crédit en phase descendante. Cette régulation du cycle financier favorise la stabilité du système financier.

Par ailleurs, la fixation de son taux s’effectue selon ce que l’on appelle un « pouvoir discrétionnaire orienté », selon lequel un organe désigné compétent, comme le HCSF en France, décide du taux adéquat en se fondant sur des analyses. En ce qui concerne les pays de l’Union européenne, des indicateurs (tels que les indicateurs de risques qui permettent de suivre l’évolution du niveau du risque contra-cyclique dans l’économie) ont été mis en place pour guider les autorités dans leur décision.

… se heurtant à certaines limites.

Par-delà ses ambitions, les caractéristiques de ce coussin de fonds propres contra-cyclique restent insuffisantes aux regards de certains économistes. Jézabel Couppey-Soubeyran[iv] discute particulièrement son mode de calcul inscrivant le coussin de fonds propres contra-cyclique sur des actifs pondérés par les risques alors que ces derniers constituent une part relativement faible de l’actif des banques (entre 30% et 50%). Par ailleurs, l’économiste explique qu’un taux variant sur un intervalle peu élevé (0-2.5%) peut difficilement être pertinent.  En effet, étant donné que le taux est initialement bas, les banques ne peuvent totalement jouir des effets attendus de cet instrument. Enfin, l’activation du coussin de fonds propres contra-cyclique ne s’étant pas faite dans tous les pays et au même niveau, cela restreint son impact.

De plus, comme l’ont démontré Cyril Couaillier et Julien Idier [v], le taux du coussin de fonds propres contra-cyclique étant défini sur la base de l’état du cycle du crédit, comporte certaines limites : « il est difficile de mesurer avec certitude et en temps réel la position dans le cycle de crédit et il est encore plus délicat de savoir si l’amplitude du cycle correspond à des fondamentaux économiques et financiers ou s’il résulte d’un phénomène de bulle ».

Ainsi, la mise en place d’un tel outil semble pertinente car il est important pour les banques de suivre la tendance du cycle pour affronter les phases descendantes. Néanmoins, il est nécessaire de revoir à la hausse son intervalle et de coordonner les stratégies bancaires afin d’observer ses potentiels effets.

Hana Maazoun

 

[i] Organisme français qui a pour mission de veiller à la stabilité financière et de définir la politique macroprudentielle à suivre en France depuis 2013.

[ii] 0.5% des actifs pondérés par les risques sur les expositions françaises des établissements de crédit (source : Décision n°D-HCSF-2020-2 du 1er avril 2020 relative au taux du coussin de fonds propres contracyclique du HCSF)

[iii] Cf fiche concept « Le paradoxe de la tranquillité, Hyman Minsky »

[iv] « Les réformes de la régulation bancaire » dans Idées économiques et sociales 2013/4 (N°174)

[v] « Mesurer l’excès de crédit avec le « gap bâlois » : pertinence et limites pour la fixation du coussin de fonds propres bancaires contracyclique », bulletin de la banque de France n°211