Menu Fermer

La réussite au baccalauréat, selon l’origine sociale FR/EN (Graphique)

La réussite au baccalauréat témoigne-t-elle d’une réduction des inégalités sociales ? Is baccalauréat attainment an indication of reduced social inequalities?

Version en anglais du graphique et de son décryptage en bas de page

[FR] Ce graphique nous montre qu’aujourd’hui plus de 90 % des candidats au baccalauréat général obtiennent leur diplôme. Ce taux de réussite a connu une progression importante depuis la fin des années 90, avec des baisses en 2005 et 2011 pour enfin stagner autour des 91 % depuis 2013. La réussite au baccalauréat est obligatoire pour permettre un accès aux études supérieures car il atteste d’un certain niveau académique. Le baccalauréat général est alors l’attestation qu’un jeune étudiant a les prérequis pour pouvoir continuer des études dans les secteurs à fortes qualifications, ce que les autres baccalauréats ne permettent pas forcément. Si on peut se réjouir que plus de jeunes réussissent à obtenir leur baccalauréat général à l’issu du lycée, cette réussite reste grandement inégalitaire socialement, l’accès à la filière générale n’est pas le même pour toutes les classes sociales.

Avoir plus de 80 % d’une classe d’âge au niveau du baccalauréat (toutes filières confondues), c’était l’objectif fixé par la loi de 1989 [1] et poursuivi par « la loi de l’orientation pour l’avenir de l’école » en 2005. Les objectifs de ces politiques éducatives étaient de réduire le chômage, l’illettrisme et de favoriser l’égalité des chances. Selon les données du ministère de l’éducation nationale [2] cet objectif de 80 % d’une classe au baccalauréat est bien dépassé depuis 2018. Pour autant, les inégalités sociales se sont-elles réellement réduites ?

 

Pour l’observer, nous avons décidé de nous intéresser à 3 catégories socio-professionnelles (CSP) : celle des ouvriers, celle des personnes sans activité professionnelle et celle des cadres et professions intellectuelles supérieures (CSP+). On regarde ici les résultats au Bac en fonction de la CSP des parents. En reprenant les données du RERS (Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche), on peut remarquer que les taux de réussites des jeunes issus d’un milieu ouvrier ou avec des parents sans activité salariée, bien qu’en hausse, gardent un écart relativement constant par rapport à celui des CSP+. En effet, si l’écart était de 15 points en 1997, il est encore de 12 points en 2019.

Aussi, il est important de spécifier que nous avons ici des données qui ne distinguent pas les différents baccalauréats. Le graphique montre une réussite au baccalauréat en hausse pour les jeunes, quelle que soit la CSP de leurs parents, mais encore faut-il spécifier quelle filière. Aujourd’hui, des jeunes issus de toutes les CSP sont dans des filières professionnelles alors que ces filières s’adressaient à une grande majorité de jeunes issus de la classe ouvrière. Les filières générales (ou leurs équivalents du nouveau baccalauréat) ont gardé une fréquentation sociale similaire. Selon l’Etat de l’école en 2018 [3], « 77 % des lauréats enfants de cadres obtiennent un baccalauréat général, 14 % un baccalauréat technologique et 9 % un baccalauréat professionnel, la répartition est respectivement de 36 %, 22 % et 42 % pour les enfants d’ouvriers. ». Ces statistiques incarnent la « démocratisation ségrégative » expliquée par Merle en 2000, dans Le concept de démocratisation de l’institution scolaire : une typologie et sa mise à l’épreuve, Population.

Il est alors intéressant de distinguer la démocratisation quantitative de la démocratisation qualitative, distinction proposée par Antoine Prost en 1986 [4]. Selon A. Prost, la démocratisation quantitative permet un allongement de la scolarisation des jeunes mais « ne supprime pas les inégalités, elle les déplace seulement ». Si on remarque que les jeunes générations obtiennent plus le baccalauréat, on remarque que ce n’est pas le même selon la CSP. Merle parle donc d’un nouvel objectif : la « démocratisation égalisatrice ». C’est cette dernière qui permettra une réduction significative des inégalités face à l’accès au capital humain.

Enfin, si l’objectif du baccalauréat est utile, il ne permet pas à lui seul de garantir une réussite économique et sociale. La notion de capital humain émerge dans les écrits de Théodore Schultz en 1961 et Gary Becker la développe dans les années qui suivent. Le capital humain se définit comme « l’ensemble des capacités productives qu’un individu acquiert par accumulation de connaissances générales ou spécifiques, de savoir-faire, etc. ». Il permet un positionnement des individus dans les hauts maillons des chaînes productives (Aghion P. et Cohen E., Education et croissance) et crée un lien important entre éducation, productivité, gain. Avec cette productivité croissante, les opportunités sur le marché de l’emploi se diversifient et les salaires augmentent. Selon l’étude Regards sur l’éducation 2018 de l’OCDE, avoir un master en France permet d’obtenir jusqu’à 110 % du salaire moyen des personnes ayant seulement un baccalauréat. Aussi, en 2018, on remarquait que le chômage des personnes n’ayant qu’un baccalauréat était de 12,7 % alors que celui des diplômés d’un master était de 5,8 %. Il est donc possible de comprendre que l’accès au baccalauréat est un passage pour une majorité de jeune mais qu’il ne donne pas lieu aux mêmes perspectives pour tousles bacheliers.

La particularité du capital humain est qu’il peut devenir une externalité de réseau. En effet, Pierre-Yves Hénin et Pierre Ralle (1993) expliquent que le capital humain engendre, si la communication et l’interaction entre des individus d’un même niveau de connaissance est possible, des effets positifs sur la productivité des agents et puis sur la croissance économique. Il est donc possible de constater que ces externalités de réseaux peuvent se rapprocher du besoin de démocratisation égalisatrice.

 

Gauthier Maisonnave

Traduit du français par Claire Campbell

 

[EN] This graph illustrates that today, over 90% of general baccalauréat candidates obtain their diploma. This pass rate significantly increased from the end of the 1990s, declined slightly in 2005 and 2011 and has stagnated around 91% since 2013. Obtaining the baccalauréat is mandatory in order to gain access to higher education as it attests to a certain level of education. The general baccalauréat is therefore confirmation that a pupil has the prerequisites for studies towards highly qualified sectors, which is not necessarily enabled by other types of baccalauréats. Although we may revel to see more pupils obtaining their general baccalauréat at the end of high school, this attainment remains largely disproportionate socially, as access to the general programme is not identical for all social classes.

The Act of 1989 set a target of having over 80% of an age group at the baccalauréat level, regardless of programme, which was reinforced by the “guidance for the future of schooling” Act in 2005. The goals set by these educational policies were to reduce unemployment and illiteracy and to promote equal opportunities. According to figures from the Ministry of  National Education, the initial target of having 80% of an age group at the baccalauréat level has been largely exceeded since 2018. Nevertheless, has there truly been a decline of social inequalities?

To examine this question further, we have chosen to focus on 3 socio-professional classes (SPC) : the working class, the unemployed and executives/high intellectual professions (SPC+). We study the Bac pass rate of pupils, depending on their parents’ SPC. Using data from the RERS (Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche), we can see that the success rates for working class pupils or pupils with unemployed parents, despite being on the rise, remain consistently lower that the success rate for pupils with SPC+ parents. This gap was indeed 15 percentage points in 1997 and remains at 12 points in 2019.

It is important to note that the data we are using does not distinguish the different baccalauréat programmes. The graph demonstrates an increasing pass rate for the baccalauréat for all pupils, no matter their parents’ SPC, however, programmes still need to be specified. At present, pupils from all social classes can be found in professional programmes, despite being aimed mostly at working class children. General programmes however (or their equivalent following the new baccalauréat), have kept a similar social make-up. According to the Ministry of National Education’s annual schooling report in 2018 (l’Etat de l’école en 2018) , “77% of laureates that are children of executives obtain a general baccalauréat, 14% obtain a technological baccalauréat and 9% obtain a professional baccalauréat, with the respective distributions for working class children being 36%,  22% and 42%”. These figures embody the “segregational democratisation” described by Merle in 2000, in Le concept de démocratisation de l’institution scolaire : une typologie et sa mise à l’épreuve, Population.

Therefore, it would of interest to distinguish quantitative democratisation from qualitative democratisation, as proposed by Antoine Prost in 1986. According to A. Prost, quantitative democratisation enables a longer schooling period for children but does not “remove inequalities, it only shifts them”. We can mention the fact that more pupils are obtaining their baccalauréat, however, this achievement is not the same amongst social classes. Thus, Merle considers a new objective : “equalising democratisation”, which would result in a significantly more egalitarian access to human capital.

Finally, despite its usefulness, the baccalauréat is not enough to guarantee economic and social success. The concept of human capital appeared in the works of Théodore Schultz in 1961, and was expanded by Gary Becker in the years that followed. Human capital is defined as “the productive skills obtained by an individual through the accumulation of general and specific knowledge, know-how etc.”. It is used to position individuals within the production line (P. Aghion and E. Cohen, Education et croissance) and to create an important link between education, productivity and profit. Thanks to this growing productivity, opportunities on the employment market are more diverse and salaries are higher. According to the OECD’s report Education at a Glance 2018, in France, having a Master’s degree enables one to reach a salary that can be up to 110% of the average salary of workers that only a baccalauréat. Moreover, in 2018, the unemployment rate for the latter was 12.7%, whereas for workers with a Master’s degree it was at 5.8%. We can therefore say that obtaining the baccalauréat is a stepping-stone for a majority of pupils, however, it does not offer the same opportunities for every laureate.

A distinctive feature of human capital is that it can become a network externality. As explained by Pierre-Yves Hénin and Pierre Ralle in 1993, if communication and interaction between individuals with the same level of knowledge is possible, then human capital can generate positive effects on productivity and thus on economic growth. We can therefore consider that these network externalities are comparable to the need for equalising democratisation

 

[1] Voir Loi d’orientation sur l’éducation (n°89-486 du 10 juillet 1989)

[2] Note d’information du ministère de l’éducation nationale de Mars 2020 au sujet des résultats définitifs de la session 2019 du baccalauréat

[3] Publication annuelle du ministère de l’Education nationale qui présente une synthèse d’indicateurs statistiques apparaissant essentiels pour analyser notre éducatif et pour apprécier les politiques publiques mises en œuvre.

[4] Antoine Prost, L’Enseignement est-il démocratisé ? Paris, P.U.F., 1986

 

Sources des données :

  • https://db.nomics.world/INSEE/TCRED-EDUCATION-REU-BAC/A.TX_R.TAUX.BACG.FE.POURCENT.BRUT
  • https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/reussite-au-baccalaureat-selon-lorigine-sociale/?fbclid=IwAR0spdSFx8B5MCkRYAUS9gXiLIPCGuBtvek2b2rENF6Z9Zi9VxNJPJBpIRM