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L’effet Cobra (Fiche concept)

« L’effet Cobra » porte bien son nom. Alors qu’à l’époque de l’Inde coloniale, Delhi était infestée de cobras, les autorités publiques ont décidé la mise en place d’une mesure ciblant leur réduction drastique au sein de la ville. En vue d’être la plus efficace possible, les autorités ont décidé de rendre cette mesure financièrement incitative en récompensant les chasseurs de cobras par le versement d’une prime généreuse. Alors que les autorités se félicitaient des effets escomptés, la réduction considérable de cobras dans la nature réduisait l’espoir des chasseurs d’en capturer de nouveaux et par-delà, de bénéficier d’une prime. C’est à partir de ce moment que « l’effet Cobra » se produit. Face à la disparition des cobras dans la ville de Delhi, les chasseurs sont devenus de véritables « éleveurs ». En vue d’obtenir la prime promise par les autorités, les chasseurs se sont mis à élever des cobras qu’ils finissaient par abattre. Alors que la prime a logiquement été supprimée dans ces circonstances, les édiles ont décidé de relâcher, dans la nature, les cobras qu’ils avaient élevés, devenus sans valeur. Finalement, le nombre de cobras présents dans la ville de Delhi s’est révélé plus important suite à l’abandon de la prime qu’il ne l’était avant la mesure. Le programme d’éradication des cobras par le versement incitatif d’une prime a donc obtenu des résultats contraires à ceux initialement prévus. 

« L’effet Cobra » caractérise ainsi une tentative de résolution d’un problème qui finit par aggraver celui-là en obtenant des résultats contraires à ceux recherchés. Cet effet peut s’expliquer en partie par le fait que les êtres humains ne sont pas des êtres purement rationnels et sans affects, capables de traiter l’information, indépendamment de toutes influences, et de prendre les meilleures décisions. De manière généralement inconsciente et involontaire, les individus prennent quotidiennement des décisions « biaisées » et « motivées », résultats de distorsions que subissent les informations en entrant ou en sortant de notre système cognitif. Ces distorsions cognitives expliquent comment les motivations individuelles, de nature intrinsèque (sentiment d’accomplissement) ou extrinsèque (mesures financières incitatives), tendent parfois à se pervertir en vue de gagner égoïstement le maximum avec le minimum d’efforts. 

Larry McDonald, anciennement homme politique américain, a établi un parallèle entre cette théorie et les conséquences négatives d’une politique publique et par-delà, de l’intervention du gouvernement dans le domaine économique. Il explique que les êtres humains réagissent à chacune des décisions prises par les autorités publiques. Ainsi, suite à l’application de nouvelles lois, de règlements ou plus largement de réformes, les individus réagissent voire sur-réagissent, conduisant ces mesures à des résultats inattendus et assez différents de ceux initialement prévus par les autorités. L’effet Cobra constitue l’un des exemples de la loi de Campbell développé dans les années 1970 par Donald T. Campbell, selon laquelle : « Plus un indicateur social quantitatif est utilisé comme aide à la décision en matière de politique sociale, plus cet indicateur est susceptible d’être manipulé et d’agir comme facteur de distorsion, faussant ainsi les processus sociaux qu’il est censé surveiller ». 

Un exemple illustrant ce parallèle tient à la décision prise par le gouvernement espagnol en 2009. En vue d’encourager généreusement la production d’électricité via les énergies renouvelables, le gouvernement a versé des subventions aux producteurs à hauteur de plus de 6 milliards d’euros. Cette mesure a permis la création de nombreuses centrales solaires photovoltaïques dans le pays. Pourtant, la Commission nationale de l’énergie espagnole et le ministère de l’Industrie ont fait le constat paradoxal suivant : en 2010, alors que la production résultant de fermes solaires a été importante, la production non-renouvelable, pendant les saisons les moins ensoleillées, est restée soutenue. En effet, parallèlement au développement des énergies renouvelables, le surplus de production a été permis par l’utilisation antinomique de groupes électrogènes fonctionnant au gazole. 

Chloé Coudray

 

Références :

Campbell, « Assessing the impact of planned social change », Evaluation and Program Planning, vol. 2) 

K. Alec Chrystal et Paul D. Mizen, Goodhart’s Law: Its Origins, Meaning and Implications for Monetary Policy 

James M. Buchanan, The Economics and The Ethics of A Constitutional Order