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Évolution du marché du travail (Graphique)

L’année 2020 marque un grand changement sur le marché du travail. Outre l’ensemble des questionnements et problématiques qui ont eu cours pendant la crise sanitaire et ses confinements [i], une nouvelle discrète vient bouleverser la structure du marché du travail. En 2020, les cadres dépassent le nombre d’ouvrier en France. En effet, le nombre de cadres et professions intellectuelles supérieures est de 5,5 millions de personnes, soit 20,4 % des personnes en emploi contre 5,2 millions d’ouvriers (19,2 %). Les ouvriers, qui étaient quatre fois plus nombreux que les cadres en 1982 et première des catégories socioprofessionnelles (CSP) [ii], se voient rattraper par un groupe social hétérogène inexistante il y a encore un siècle [iii].

Autre fait majeur, sur la période 1982 – 2020, la part des ouvriers dans l’emploi total n’a eu de cesse de diminuer. Ainsi, les catégories d’Employés ou les Professions Intermédiaires, ancien cadres moyens dans les nomenclatures précédant 1982, ont, elles aussi, dépassées la catégorie ouvrière respectivement en 1992 et 2008. Ce phénomène d’évolution de la structure des emplois en France peut se comprendre à travers une multitude de transformations sociétales. Nous retiendrons dans notre analyse trois d’entre elles.

La première est la féminisation de l’emploi en France pendant le 20e et 21e siècle. En 1982, le taux d’activité des femmes [iv] était de 56,5 % contre 80,9 % pour les hommes. Quarante ans après, en 2020, celui-ci a augmenté de 11 points de pourcentage (67,6 %) tandis que celui des hommes a légèrement diminué (74,5 %) [v]. C’est ainsi environ 4 millions de femmes supplémentaires qui sont rentrées dans l’emploi sur la période. Cette arrivée massive de la main d’œuvre féminine n’a pas été homogène dans l’ensemble des secteurs d’activité. Le nombre de femme occupant un poste de cadres et professions intellectuelles supérieures a été multiplié par 6 entre 1982 et 2020 ; a doublé pour les professions intermédiaires et a augmenté de 20 % pour les employés. En parallèle de ces évolutions, le nombre de femme ouvrières à lui diminué de 25 % (moins 368 000 emplois).

Le deuxième élément de réponse que nous pouvons apporter dans notre analyse d’évolution de la structure du marché de l’emploi est la désindustrialisation. La concurrence internationale (chinoise notamment), la hausse des gains de productivité ou encore l’allongement de l’espérance de vie favorise le glissement d’une économie secondaire vers une économie tertiaire [vi]. En effet, certaines études cherchent à déterminer les conséquences de ces phénomènes sur l’emploi manufacturier. Clément Malgouyres dans « The impact of chinese import competition on the local structure of employment and wages : evidence from France », évalue à 13 % la baisse de l’emploi manufacturier français expliqué par la concurrence chinoise entre 2001 et 2007 [vii].

Enfin, l’augmentation du nombre de diplômé du supérieur permet également d’expliquer la part grandissante des cadres dans l’emploi. En effet, la volonté politique d’avoir plus de 80 % d’une classe au niveau du baccalauréat a poussé l’État à inciter les jeunes aux études supérieures [viii]. Ce faisant, la structure des diplômés en emploi a complètement changé.

En 2020, 28 % des personnes en emploi ont un niveau de diplôme supérieur à Bac+2, contre 6 % en 1982, passant de 1,4 millions de personne à 7,6 millions (+ 458 %) sur la période. De la même manière, la proportion de personnes en emploi sans diplôme dans l’emploi total a drastiquement chuté, passant de 47,2 % des personnes en emploi en 1982 (10,8 millions de personnes) à 9,3 % en 2020 (2,5 millions). Ainsi, avec la tertiarisation de l’économie et le développement des métiers de l’informatique notamment, la nécessité d’avoir des personnes de plus en plus qualifié s’est faite ressentir ; augmentant davantage la part des hauts diplômés dans l’emploi et donc, des cadres [ix].

Ces trois facteurs n’expliquent pas, à eux seuls, l’évolution de la structure de l’emploi en France. Les différentes politiques mises en place par les gouvernements, le contexte international ou encore l’évolution des modes de consommation peuvent aisément compléter ce début d’analyse.

Erwan Audren

 

Références :

 [i] Voir les différentes analyses faites par Partageons l’Éco :

  • Impact du Covid-19 sur les défaillances d’entreprises (ici)
  • Evolution de l’inflation en période de Covid (ici)
  • Covid-19 et demande d’activité partielle (ici)
  • Les conséquences économiques du Covid-19 (ici)
  • La crise financière de la Covid-19, The Black Swan et les tulipes néerlandaises (ici)

[ii] Pour plus d’information sur la nomenclature, voir Insee (ici)

[iii] A. Grelon (2001), « Les débuts des cadres », in P. Bouffartigue (coord.), Cadres, la grande rupture, Paris, La découverte, P. 21-22 ;

[iv] Le taux d’activité est le rapport entre le nombre d’actifs (personnes en emploi et chômeurs) et l’ensemble de la population correspondante, définition Insee.

[v] Source : Insee, enquêtes Emploi, séries longues sur le marché du travail.

[vi] « Les politiques industrielles en France, évolutions et comparaisons internationales », France Stratégie, novembre 2020.

[vii] Malgouyres C. (2017), « The impact of Chinese import competition on the local structure of employment and wages: Evidence from France », Journal of Regional Science, 57(3), p. 411-441.

[viii] Voir Loi d’orientation sur l’éducation (n°89-486 du 10 juillet 1989) ;  Loi de l’orientation pour l’avenir de l’école (n° 2005-380 du 24 avril 2005).

[ix] Sur le même sujet : La réussite au baccalauréat, selon l’origine sociale (ici)

Données :

  • Insee :

https://www.insee.fr/fr/statistiques/5359500?sommaire=5359511&q=Insee+emploi

https://www.insee.fr/fr/statistiques/5359500?sommaire=5359511&q=Insee+emploi

  • DBnomics :

https://db.nomics.world/INSEE/EMPLOI-BIT-TRIM