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Le taux de pauvreté non monétaire (graphique)

En matière de pauvreté, un seul indicateur fait parler de lui : le taux de pauvreté. Celui-ci nous donne la part de la population dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. En France, le seuil est fixé à 60 % du niveau de vie médian (1 063 euros par mois en 2018 [i], soit 14.8 % des personnes habitant en logement ordinaire en France métropolitaine). Si cet indicateur est celui qui fait couramment parler pour discuter du sujet du fait qu’il soit monétaire, la pauvreté est un concept pluridimensionnel. De fait, il faut alors l’analyser, certes avec l’approche monétaire, mais sans omettre de discuter de la pauvreté en conditions de vie ou en privation matérielle et sociale. Ainsi, à travers l’enquête Statistiques sur les ressources et les conditions de vie (SRCV), l’Insee construit les deux indicateurs susnommés.

La pauvreté en conditions désigne une situation de difficulté économique durable définie comme l’incapacité à couvrir au moins 8 dépenses parmi les 27 considérées comme souhaitables, voire nécessaires [ii]. Les 27 éléments de cette liste sont répartis en 4 catégories dont voici quelques exemples d’indicateurs :

  • Insuffisance de ressources (6 sur 27) : Remboursement d’un emprunt supérieur à 33 % du revenu ; Absence d’épargne ou encore Fréquence très élevée de découverts bancaires.
  • Retard de paiement (3 sur 27) : Factures d’électricité impayées à plusieurs reprises dans l’année, Loyers et charges impayés à plusieurs reprises dans l’années et Impôts impayés à plusieurs reprises dans l’année.
  • Restriction de consommation (9 sur 27) : Maintien du logement à bonne température; Possession de deux paires de chaussures ou encore Achat de vêtements neufs.
  • Difficultés de logement (9 sur 27) : Logement trop petit par rapport au nombre de personnes dans le ménage ; Absence de toilettes ou encore Logement trop humide.

En France en 2019, 11.7 % des ménages se trouvent en situation de pauvreté d’après cet indicateur, c’est-à-dire en dessous du taux de pauvreté en conditions de vie (au moins 8 difficultés sur les 27 de l’indicateur). Ce taux n’a cessé de baisser depuis 2004, avec toutefois uns stagnation de celui-ci depuis 2015 (avec un taux évoluant entre 11 % et 11, 9 % entre 2015 et 2019). Malgré la baisse observée depuis 15 ans, il existe des disparités entre les différentes catégories socio-professionnelles. Les Employés et les ouvriers sont les actifs connaissant le plus de difficultés en termes de conditions de vie (respectivement 20.8 % et 16.8 % en 2019). Depuis 2004, leur taux de pauvreté a cependant diminué. Les ouvriers accusent la plus grande diminution sur la période (- 5.2 points de pourcentage) tandis que les employés voient leur taux de pauvreté diminuer de seulement 2 points de pourcentage (contre -3 points pour l’ensemble de la population étudiée).

Un second indicateur est utilisé au niveau de l’Union Européenne : l’indicateur de privation matérielle et sociale de l’UE. Il se définit comme la part de personnes vivant en logement ordinaire ne pouvant couvrir les dépenses liées à au moins 5 éléments de la vie courante sur 13 considérés comme souhaitable, voire nécessaires, pour avoir un niveau de vie acceptable [iii]. Plus synthétique (13 items contre 27 pour le précédent), il est obtenu à travers la même enquête (SCRV).

Avec l’indicateur précédent, on a vu les écarts de pauvreté en conditions de vie en France en fonction des CSP ; utilisons maintenant l’indicateur de privation de matérielle pour étudier la pauvreté en fonction du type de ménage.

On remarque dans un premier temps que, de part la construction de cet indicateur, les résultats sur l’ensemble de la population est proche, mais pas identique. Rien d’illogique à cela puisque l’on a deux indicateurs de score construit différemment.

Lorsque l’on regarde maintenant les écarts en fonction du type de ménage, on constate que les familles monoparentales sont celles qui ont un taux de privation matérielle et sociale le plus élevé (29.2 % en 2019 contre 13.1% pour l’ensemble de la population étudiée). Celle-ci ayant un niveau de vie plus faible (85 % des familles monoparentales sont des mères avec leurs enfants [iv] ; 35.3 % des familles monoparentales sont en situation de pauvreté monétaire) et ne pouvant bénéficier des économies d’échelle procurées par un second adulte ni du revenu qu’il est susceptible d’apporter [v]. De la même manière, les couples avec 3 enfants ou plus ou les personnes seules ont un niveau de vie plus faible que les autres permettant d’expliquer en partie leur taux de privation matérielle élevé (respectivement 17.9 % et 18.2 % en 2019)

A l’inverse, les couples sans enfant sont les moins touchés, bénéficiant des économies d’échelles et potentiellement de revenus supplémentaires.

Ces deux exemples d’indicateurs nous montrent que la pauvreté ne peut être étudiée qu’à travers un prisme monétaire. Celle-ci est multidimensionnelle et regroupe une réalité très hétérogène en fonction des caractéristiques de chacun. On a discuté de celle-ci au regard des conditions matérielles plutôt que de l’aspect monétaire (même si les deux sont intimement liés) ainsi qu’en prenant en compte diverses attributs (CSP et type de ménage). On aurait pu l’étudier en regardant le sexe, l’âge ou tout autre variable pour préciser la diversité des situations. De la même manière, on aurait pu compléter notre analyse en prenant en compte d’autres indicateurs (intensité de la pauvreté, taux de pauvreté à 50 % du revenu médian…) mais le choix a été fait de discuter d’indicateurs peu connus dans les débats.

Erwan Audren

Références :

[i] « Revenus et patrimoine des ménages », Insee Références, Edition 2021

[ii] Pauvreté en conditions de vie de 2004 à 2019, Enquête SRCV, Insee Résultats

[iii] Voir la définition Insee (ici)

[iv] Insee première, n°1788, Janvier 2020 (ici)

[v] « Revenus et patrimoine des ménages », Insee Références, Edition 2021

 

Données :

  • Insee :

https://www.insee.fr/fr/statistiques/5011229?sommaire=5011231

https://www.insee.fr/fr/statistiques/5232139?sommaire=5232141#consulter

  • DBnomics :

https://db.nomics.world/Eurostat

https://db.nomics.world/Eurostat/ilc_mdsd01