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Le taux d’ouverture des pays d’Afrique de l’Ouest (Graphique)

Le taux d’ouverture d’un pays mesure son degré d’intégration dans l’économie mondiale. On le calcule à l’aide d’un ratio ayant pour numérateur la moyenne des exportations et des importations du pays, et pour dénominateur son PIB. Cet indicateur considère donc les flux économiques entrants et sortants, ce qui permet de bien rendre compte de la place du pays dans les échanges internationaux. La présence du PIB dans le calcul permet d’apprécier la part d’échanges mondiaux dans l’économie du pays. Ainsi, un très faible taux d’ouverture indiquera une économie tendant vers l’autarcie, tandis qu’un ratio élevé signifiera que l’économie est plutôt insérée dans l’économie mondiale.

L’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA) vise à faciliter l’homogénéisation et l’intégration de l’économie de ses pays membres. Elle permet ainsi la libre circulation des personnes, des capitaux, des biens, des services, et des facteurs de production entre les huit nations de l’Union [i]. Ces pays sont également liés par une monnaie commune : le F.CFA. De fait, leur monnaie est gérée par une même entité : la Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO).

Dans les années 2000, les pays membres de l’UMOA privilégiaient largement le commerce extérieur, au détriment des échanges domestiques. En effet, un grand nombre d’entre eux dépendaient des exportations d’un petit nombre de matières premières. En 2002 par exemple, cinq produits représentaient 75 % des exportations régionales de biens, le pétrole en comptabilisant à lui seul 67 %. La même année, la part du commerce intrarégional dans l’espace UMOA représentait 12,6 % des exportations totales, ce qui est relativement faible. Notons toutefois que le commerce intrarégional peut être sous-estimé dans une proportion très importante, car aucun service statistique n’a la capacité de mesurer les quantités de produits agricoles et de bétail échangés. Malgré cela, l’UMOA compte parmi les regroupements intra régionaux africains les plus actifs en termes d’échanges [ii]. Au cours des années 2000, les flux de biens et services ont connu une croissance plus rapide que celle du PIB. En effet, les flux commerciaux se sont accrus en moyenne de près de 10 % par an entre 1990 et 2011, tandis que la croissance du PIB atteignait en moyenne 3,6 % entre 2002 et 2012. Ce phénomène est imputable aux nombreuses politiques de libéralisation mises en place durant cette période. Le graphique nous permet alors d’observer des taux d’ouverture assez élevés dans les années 2000.

Bien qu’entre 2005 et 2020 la tendance globale soit à la baisse, cela cache des disparités entre les pays membres de l’Union. Il est pertinent de se pencher sur le cas du Sénégal, de la Guinée Bissau et de la Côte d’Ivoire pour les illustrer.

A la fin des années 2000, quelques pays de l’Union ont vu leur taux d’ouverture diminuer. En 2008, les exportations du Sénégal étaient composées à 22 % de produits agricoles et à 38 % de pétrole et produits miniers. Ces biens sont particulièrement sensibles aux fluctuations de la demande mondiale et aux aléas climatiques, ce qui fragilise leur exportation. En parallèle, la croissance du Sénégal suivait une tendance haussière, plus rapide que celle de la moyenne des importations et exportations, ce qui a logiquement fait baisser le taux d’ouverture. Cette tendance s’interprète comme l’une des conséquences de la Stratégie de Croissance Accélérée (SCA), menée en 2008. La SCA vise à restructurer l’appareil de production sénégalais, ainsi qu’à instaurer un cadre macroéconomique stable et sain. En découlerait alors une croissance forte et soutenue, et ce fut effectivement le cas durant les années 2010.

Le taux d’ouverture du Sénégal présente une tendance à la baisse plus progressive que celui de la Guinée-Bissau, qui a suivi d’importantes fluctuations.

La croissance de la Guinée Bissau a chuté entre 2011 et 2012, passant de 8,1 % à 1,7 %. Ce pic de croissance atteint en 2011 s’explique par une récolte exceptionnelle de noix de cajou cette année-là, car ce produit constituait 90 % des exportations du pays. En raison de la crise de la dette en Europe, le cours mondial de la noix de cajou a baissé dès 2012. De plus, un coup d’État est survenu cette même année, ce qui a entraîné une contraction du PIB de 2 % [iii]. On observe alors une chute drastique du taux d’ouverture sur cette période, passant de 56 % en 2010 à 20 % en 2012. La Guinée Bissau présente un important manque d’infrastructures [iv], ce qui dégrade le climat des affaires, et donc le commerce extérieur, impactant négativement le taux d’ouverture.

A l’inverse de la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire présente les taux de croissance les plus élevés au sein de l’UMOA.

Dès 2011, la Côte d’Ivoire lance une politique de grands travaux, ce qui a augmenté le PIB du pays. Elle entretenait une croissance de 8 % par an en moyenne entre 2015 et 2018. La part des exportations de la Côte d’Ivoire dans le PIB du pays a chuté de près de 30 points de pourcentage entre 2011 et 2018. La part des importations dans le PIB a quant à elle baissé de 22 points de pourcentage sur la même période. Depuis 2012, la Côte d’Ivoire oriente son économie vers l’agro-industrie, en transformant ses produits agricoles tels que le cacao et le café. Ainsi, le pays se recentre progressivement vers le marché local [v]. Son taux d’ouverture a alors progressivement diminué de 24 points de pourcentage entre 2012 et 2018, pour atteindre 22 %.

Finalement, les taux d’ouverture des pays membres de l’UMOA sont assez stables depuis 2018. Les taux de croissance du PIB sont plutôt soutenus, avec une moyenne de 6 % en 2019. La même année, 46,6 % des exportations de l’Union étaient destinées à l’Europe [vi]. La part des ventes vers l’Asie ne cesse d’augmenter depuis 2009, passant de 10,8 % à 23,3 % en 2019 [vii]. Les taux d’ouverture ont peu varié durant la crise liée à la Covid-19 car le numérateur et le dénominateur du ratio ont tous les deux diminué dans des proportions équivalentes. Aujourd’hui, les investissements publics et privés porteurs de croissance économique se multiplient. Ces projets permettront à ces pays de diversifier leur tissu productif, car leur manque d’infrastructures les contraint à importer une large majorité de leurs biens de consommation finale et intermédiaire. Ils auront pour effets de stimuler la croissance et de diminuer les importations. De plus, l’UEMOA a mis en place en 2017 le Projet d’Appui à la Compétitivité du Commerce et à l’Intégration Régionale (PACCIR), dans un but de promouvoir et de faciliter le commerce intra régional. Toutefois, la part de ces échanges demeure faible et bien en deçà de l’objectif de 25 % fixé par le PACCIR. Cela s’explique en grande partie par le manque de complémentarité entre les économies nationales de la région, et de la similarité des biens exportés et importés. L’apparition d’importantes infrastructures permettra sans doute d’atteindre les objectifs recherchés par le PACCIR. Finalement, nous pourrions nous attendre à une certaine convergence des taux d’ouverture de pays de l’UMOA en raison de leur unification.

Marion Chadal

Références :
[i] Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo
[ii] L’Afrique de l’Ouest : une région en mouvement, une région en mutation, une région en voie d’intégration, OCDE, 2007
[iii] Perspectives économiques en Guinée-Bissau, Groupe de la Banque Africaine de Développement, 2021
[iv] Situation économique et financière de la Guinée-Bissau, Direction Générale du Trésor, 2020
[v] L’agro-industrie ivoirienne, levier incontournable de l’émergence, Business France, 2019
[vi] Situation économique et financière de l’UEMOA, Direction Générale du Trésor, 2019
[vii] Situation économique et financière de l’UEMOA, Direction Générale du Trésor, 2019

Données :

  • https://db.nomics.world/BCEAO/IMECO?dimensions=%7B%22label%22%3A%5B%22SE1487A0AP%22%5D%7D&tab=chart