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Les avantages comparatifs (Fiche concept)

Malgré l’augmentation du coût des facteurs de production, la Chine conserve l’essentiel de ses avantages comparatifs dans la chaîne industrielle mondiale [i]. Cette caractéristique de la Chine peut se justifier par un principe de spécialisation, ce qui peut renvoyer à la théorie des avantages comparatifs de David Ricardo. Cette notion a été mise en avant dans son ouvrage : « On the Principles of Political Economy and Taxation », publié en 1817.

Ce modèle part d’une économie composée de deux pays et de deux biens. Dans cette économie, il n’existe qu’un seul facteur de production : le travail, mobile au sein du pays mais immobile entre les pays. Les pays peuvent être en autarcie ou en situation de libre-échange. Lorsqu’ils échangent, aucun coût supplémentaire ne vient s’ajouter au coût du travail. Par exemple, il n’y a pas de coûts de transport. Les rendements des producteurs sont constants. Cela signifie que l’augmentation de la quantité produite est proportionnelle à l’accroissement du facteur travail.

En prenant l’exemple de l’échange du drap et du vin entre l’Angleterre et le Portugal [ii], David Ricardo montre que les pays ont intérêt à se spécialiser, et ce même s’ils ne disposent pas d’avantage absolus. La théorie des avantages absolus a été expliquée par Adam Smith dans « An Inquiry into the Nature and Causes of the Wealth of Nations » (1776). Elle explique que les pays ont intérêt à se spécialiser dans la production pour laquelle ils sont les plus productifs, c’est-à-dire là où ils peuvent produire plus que les autres avec la même quantité de facteur de production, ici le facteur travail.

Supposons une situation où il existe deux pays : la France et l’Allemagne qui peuvent produire deux biens : les baguettes et les bretzels. On remarque que la France parvient à produire autant de baguettes que l’Allemagne mais avec une quantité plus faible de travailleurs. A contrario, l’Allemagne est plus productive dans les bretzels. Dans ce schéma, la France dispose d’un avantage absolu pour les baguettes alors que l’Allemagne dispose d’un avantage absolu dans la production de bretzels.

L’une des limites majeures de cette idée est qu’un pays peut ne pas avoir d’avantage absolu. Reprenons l’exemple précédent. Cette fois-ci, l’Allemagne est plus productive sur les deux biens : les baguettes et les bretzels (cf : tableau ci-dessous). La France est alors dominée sur le plan de la productivité par l’Allemagne. Il n’y aura donc pas d’avantage absolu pour la France. C’est ici qu’intervient la notion d’avantages comparatifs de Ricardo.

* On estime ici que ces valeurs reflètent le nombre d’heures de travail nécessaires pour produire une baguette. Ici, il faut quatre heures de travail pour produire une baguette.

Pour comprendre comment la France doit se spécialiser, il faut faire appel à la notion de coût d’opportunité. Ici, le coût d’opportunité correspond à la quantité d’unités du bien Y que l’on doit abandonner pour produire une unité du bien X. Dans l’exemple ci-dessus, si la France produisait des baguettes et décide dorénavant de produire des bretzels, elle va abandonner les quatre heures nécessaires à la production d’une baguette pour produire des bretzels. Et comme il faut cinq heures de travail pour produire un bretzel, alors les quatre heures de travail ne vont produire que 4/5 d’un bretzel. On dit que le coût d’opportunité de la baguette en autarcie est de 4/5.

En présence d’ouverture commerciale, la France peut abandonner ses quatre heures de travail et obtenir plus que 4/5 d’un bretzel en échangeant avec l’Allemagne. En effet, si l’on imagine que le prix d’échange entre les deux pays est de 1, alors la baguette vendue à l’Allemagne pourra permettre d’obtenir une unité entière de bretzel (un bretzel contre une baguette). Cette quantité est supérieure au 4/5 d’un bretzel qui était possible en situation d’autarcie. La théorie des avantages comparatifs compare donc les différents coûts d’opportunité et énonce que les spécialisations vont émerger là où les pays font face à un coût d’opportunité plus faible que celui de l’autre pays. Autrement dit, les pays vont se spécialiser dans le bien pour lequel ils sont relativement plus productifs.

Ici, alors même que l’Allemagne est plus productive que la France sur les deux biens, les deux pays ont intérêt à se spécialiser là où ils sont relativement plus productifs. Autrement dit, la France se spécialise dans les baguettes alors que l’Allemagne se spécialise dans les bretzels. Par ce principe de spécialisation productive, il y a baisse de prix généralisée et maximisation des quantités produites. Ainsi, tous les pays sont incités à s’inscrire dans le commerce international. On dit que le commerceinternational est un jeu à somme positive. Cette théorie n’est pas forcément intuitive, si bien que Paul Samuelson, prix Nobel d’économie, qualifiait cette théorie à la fois de vraie et de non triviale [iii].

Le modèle fait face à de nombreuses critiques, notamment sur ses hypothèses peu réalistes (Homogénéité des produits, mobilité interne des facteurs, relation entre ouverture commerciale et hausse du bien-être, etc.). De plus, ce modèle ne permet pas d’expliquer l’existence des échanges intra- branche, c’est-à-dire des échanges sur des biens similaires. Enfin, le modèle prétend que le libre- échange serait un jeu à somme positive alors qu’il peut exister des situations où ce n’est pas le cas [iv] comme lorsque l’industrie d’un des deux pays est encore au stade embryonnaire. C’est la théorie du protectionnisme éducateur de Friedrich List.

Malgré le fait que la théorie des avantages comparatifs essuie un certain nombre de critiques, elle reste un des cadres d’analyse utile pour comprendre le commerce international.

Pierre-Emmanuel Caplet

 

Notes :

[i] https://www.captaineconomics.fr/-chine-cout-production-delocalisation-relocalisation

[ii] David Ricardo s’appuie sur l’exemple du traité de Methuen signé en 1703 par le Portugal et l’Angleterre. Il renvoie à un accord de libre-échange concernant les draps de laine anglais et le vin portugais.

[iii] https://www.wto.org/english/res_e/reser_e/cadv_e.htm

[iv] C’est par ailleurs ce qu’il se serait passé après le traité de Methuen. L’une des interprétations des conséquences de ce traité est qu’il n’a pas permis d’industrialiser le Portugal, développant seulement la branche viticole et entraînant une dégradation des termes de l’échange.

 

Références : 

Jacques Sapir, Le protectionnisme, 2022

Bernard Guillochon, Frédéric Peltrault et Baptiste Venet, Économie internationale, 2020

Jean-Pierre Allegret et Pascal Le Merrer, Economie de la mondialisation : vers une rupture durable ? 2015

Gérard Kébabdjian, Les Théories de l’économie politique internationale, 1999