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Évolution de l’inflation en France (Graphique)

Alors que la question de d’un taux d’inflation trop élevé ne s’était pas posée depuis de nombreuses années dans les pays développés, elle revient sur le devant de la scène depuis la pandémie. Les restrictions liées à la Covid-19 ont mis un coup de frein brutal à l’économie mondiale au printemps 2020 et le décalage de la reprise entre l’offre et la demande en 2021 a généré des tensions. Les ménages ont rattrapé les dépenses qu’ils n’avaient pu effectuer avec les restrictions grâce à leur épargne accumulée durant les confinements (voir le graphique sur l’évolution de l’épargne en France de janvier 2021) et les entreprises qui avaient ralenti ou arrêté leur production ont rencontré des difficultés à satisfaire le fort rebond de la demande. De plus, la pandémie a affaibli les chaînes d’approvisionnement avec notamment de nombreuses fermetures d’usines dues à la stratégie zéro-Covid des pays d’Asie du Sud-Est. Le retour à la normale reste progressif et le retard accumulé de livraisons entraîne des problèmes d’approvisionnement dans de nombreux secteurs. Ces tensions ont entraîné une forte hausse des prix à la production et cela se répercute progressivement sur les prix à la consommation. Au début de l’année 2022, le déclenchement de la guerre en Ukraine et les sanctions des pays occidentaux appliquées à la Russie ont de nouveau aggravé les problèmes d’approvisionnement, notamment des matières premières (blé, colza, aluminium, nickel), mais également les tensions sur l’approvisionnement en énergie alors que les stocks de gaz et d’électricité étaient déjà au plus bas à la fin de l’année 2021.

En France, l’inflation a accéléré à + 5,2 % (comme le montre le graphique ci-dessus) en glissement annuel au mois de mai selon la première estimation de l’INSEE [i], un niveau historiquement haut depuis septembre 1985. Si la hausse des prix est maintenant généralisée à l’ensemble de l’économie, la plus forte contribution provient des prix de l’énergie. Ces derniers se situent sur des records historiques et sont alimentés par les sanctions appliquées à la Russie, suite au déclenchement du conflit en Ukraine. En outre, la guerre en Ukraine entraîne de nombreuses pénuries de matières premières alors que les perturbations sur les chaînes d’approvisionnement causées par la pandémie sont encore présentes, ce qui entraîne une forte hausse des prix à la production (+ 25 % en glissement annuel en avril). Celle-ci se répercute progressivement sur les prix à la consommation, notamment sur les prix de l’alimentation qui accélèrent à + 4,2 % en mai. Les enquêtes d’opinion des entreprises sur l’évolution prévue des prix de vente démontrent une pression sous-jacente (tendance à laquelle on retire les éléments les plus volatils comme l’énergie, l’alcool et le tabac) forte et la tendance à la hausse des prix devrait se poursuivre dans les prochains mois selon l’INSEE (+ 5,4 % en juin 2022). Dans ses perspectives économiques du 8 juin [ii], l’OCDE avertit d’un pic inflationniste qui sera bien plus élevé que prévu et ne sera atteint que dans le courant de l’année 2023. L’inflation sous-jacente devrait rester supérieure ou égale aux objectifs des banques centrales jusqu’à la fin de l’année. L’OCDE prévoit une inflation sous-jacente harmonisée à + 3,4 % sur l’ensemble de l’année 2022.

Cette forte hausse des prix impacte fortement le pouvoir d’achat des ménages, notamment les plus pauvres, ce qui contraint les gouvernements à mettre en place de nouvelles mesures de soutien. En France, le gouvernement a maintenu une politique budgétaire expansionniste, ce qui a permis de limiter en partie la hausse des prix. Un bouclier tarifaire a été mis en place pour faire face à l’augmentation des prix du gaz et de l’électricité en octobre 2021, le montant du chèque énergie destinés aux ménages les plus modestes a été augmenté et une aide exceptionnelle a été apportée à 38 millions de français en décembre 2021. Ce blocage des prix du gaz et de l’électricité, conjugué à la « remise à la pompe » sur les prix de l’essence mise en place en avril, a permis de réduire l’inflation totale de mai d’environ 2 points de pourcentage selon les estimations de l’INSEE [iii]. L’évaluation précise de ces politiques et de leurs impacts à plus long terme, notamment dans le cas d’une utilisation répétée de ces leviers, semble néanmoins plus complexe pour le moment. Cela explique tout de même en partie la plus faible inflation française en comparaison avec les principaux pays européens comme l’Allemagne ou l’Espagne. En effet, si l’inflation en Europe est majoritairement due à la hausse des prix de l’énergie, c’est aussi l’inflation énergétique qui explique les différences entre les principaux pays [iv]. Ainsi, le bouclier tarifaire en France a permis de limiter et retarder l’accélération de l’inflation alors que le système de négociation des prix de l’électricité sur une base trimestrielle en Italie et en Espagne (vs biannuelle en France et annuelle en Allemagne) explique la hausse plus rapide des prix à la consommation dès la fin de l’année 2021.

 

Eva Youinou

Références :

[i] Insee, (2022), Point de conjoncture, 9 mai 2022

[ii] Perspectives économiques de l’OCDE, Volume 2022 numéro 1

[iii] Insee, (2022), « Le « bouclier tarifaire » sur les prix de l’électricité et du gaz a nettement atténué l’augmentation de l’inflation en février », Note de conjoncture, mars 2022

[iv] Insee, (2022), « L’inflation dans la zone euro », Note de conjoncture, mars 2022