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Évolution de l’inflation en France (Graphique)

Alors même que la crise sanitaire risque d’entrainer la pire récession pour la France depuis 1946 [1], la question des inégalités sociales est remise sur le devant de la scène. En effet, les classes populaires, plus fragiles que les autres, subissent de plein fouet les problèmes économiques. Le ralentissement de l’économie mondiale et des échanges a, en effet, augmenté le coût de certains biens et notamment ceux du secteur alimentaire. Mais pourquoi l’inflation mesurée, définie comme l’augmentation du niveau générale des prix, ne reflète pas cette hausse des prix de l’alimentaire ?

D’après le graphique précédent, on constate que l’inflation est très faible. Depuis le mois de mars, celle-ci est inférieure à 1 %, voire quasi nulle (0,2 % [2] au mois de mai). Les prévisions pour fin 2020 ainsi que 2021 et 2022 ne sont guère plus encourageantes, avec une inflation pour 2020 à 0,3 %, inférieure à 1 % en 2021 et légèrement supérieur en 2022. Pour comprendre cet écart entre la réalité des prix perçue par les ménages (notamment alimentaire) et l’évolution de l’Indice des Prix à la Consommation (IPC, indicateur mesurant l’inflation), on peut évoquer trois arguments principaux.

• Le premier vient de la construction même de l’IPC. Cet indicateur contient plus de 1 000 variétés de produits réparties en 12 fonctions qui elles-mêmes se divisent en 47 sous-fonctions, 117 regroupements, 303 groupes et 362 postes. Les produits alimentaires faisant partie de la première des 12 fonctions (01. Produits alimentaires et boissons non alcoolisées), on comprend maintenant à quel point cet indicateur regroupe des biens et services hétérogènes. L’INSEE précise par ailleurs le poids exact de l’alimentation dans l’IPC. Celle-ci correspondrait à 16 % environ de l’indice. Dit autrement, les variations des prix de l’alimentation ne pèsent même pas pour 1/5 dans la construction de l’IPC.

• Ce niveau de détail n’est pourtant pas suffisant pour apprécier l’augmentation des produits alimentaires. D’après l’INSEE, les prix de l’alimentation ont augmenté de 3,7 % en avril. Or, il convient de séparer deux catégories de produits alimentaires : les « produits frais » (fruits et légumes) et les produits « autre alimentation ». Toujours d’après l’INSEE, les produits frais ont vu leur prix augmenter de 17,8 % en avril contre 1,4 % d’augmentation pour les produits « autre alimentation ». Résultat, la hausse des fruits et légumes constatée dans les enseignes alimentaires est bien réelle mais invisibilisée par la structure même de l’indicateur qui mesure l’inflation.

• En parallèle de cette hausse de l’alimentation, deux autres composantes de l’IPC ont connu une déflation (diminution générale du prix). Le prix de l’énergie baisse de 8,6 % en avril 2020 et -11,0 % au mois de mai. De plus, le prix des produits manufacturés baisse également (–0,5 % en avril et -0,7 % en mai). Ces deux composantes ont donc neutralisé la hausse constatée dans l’alimentation (l’énergie pesant pour 8 % et les produits manufacturés pour 24 % dans l’IPC).

A cette première difficulté de lecture du principal indice mesurant les variations de prix en France s’ajoute deux éléments : d’une part la difficulté de relever des prix en période de confinement [3] ainsi qu’une inflation perçue [4] des ménages supérieure à l’inflation mesurée par l’INSEE (Accardo, 2011). Finalement, avant d’utiliser un indicateur, il convient d’étudier celui-ci pour comprendre la réalité qu’il mesure.

 

Erwan Audren

 

[1] L’INSEE prévoit une baisse de 20 % du PIB pour le deuxième trimestre 2020 après -5,3 % le premier trimestre de la même année.

[2] Prévision de l’INSEE au 29 mai 2020

[3] Une partie des enseignes étant fermées, les enquêteurs ne peuvent aller relever les prix de certains produits.

[4] Lorsque l’on interroge les ménages sur l’augmentation des prix qu’ils perçoivent, leur réponse est toujours en décalage avec ce que mesure l’IPC.