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Le paradoxe de Diamond (Fiche Concept)

Le paradoxe de Diamond (1971)

Avez-vous déjà entendu l’expression « shoe-leather cost » ? Le « coût du cuir de chaussure » est utilisé dans les théories de l’inflation pour décrire le coût d’opportunité des déplacements à la banque pour s’y procurer de l’argent liquide en période de forte inflation. Le terme « coût du cuir de chaussure » vient du fait que marcher plus fréquemment jusqu’à la banque usera vos chaussures, il est utilisé comme une métonymie pour désigner l’ensemble des coûts de déplacement. Si l’inflation n’est plus un sujet central pour les économistes (encore qu’elle pourrait revenir, à ce qu’on dit) et surtout, s’il n’est plus nécessaire d’aller au guichet de la banque pour y retirer de l’argent liquide de son compte rémunéré, les coûts de déplacement (ou coût de recherche) n’en sont pas moins une notion centrale dans le paradoxe de Diamond.

Le paradoxe de Peter Arthur Diamond, prix Nobel d’Économie en 2010 pour ses travaux d’analyse des marchés avec désaccord de recherche, montre comment en présence d’un coût de recherche, aussi dérisoire soit-il, le prix d’équilibre du marché est égal au prix de monopole. Explications.

Ce paradoxe repose sur l’existence de coûts de recherche (coût d’usure, de chaussure, coût psychologique pour les agents), dont le résultat est l’information imparfaite. Cette méconnaissance a comme implication simple que les agents économiques doivent consacrer des ressources puisées sur leur dotation en temps (coût d’opportunité) et des ressources financières afin d’acquérir cette information. Ces coûts de recherche incombent donc aux consommateurs (où vais-je trouver le plus beau costume pour ma conférence ?) ou aux demandeurs d’emploi pour trouver « chaussure à leur pied ».

Diamond fait les hypothèses suivantes : 

-Soit une économie, où des consommateurs sont identiques, ils ont donc les mêmes prix de réserve (prix maximum qu’un consommateur est prêt à payer pour un bien).

-Soient toutes les firmes qui font une tarification au coût marginal p1 = cm, c’est à dire à la tarification normale de la concurrence. 

On note c > 0 la valeur du coût payé par un consommateur pour chaque magasin visité. Une firme qui propose le bien à un prix supérieur p2 = p1 + c = cm + c, c’est à dire à la tarification marginale augmentée de la valeur du coût recherche c ne perd pas sa clientèle. Pourquoi ? 

Un consommateur est indifférent entre payer le prix fort p2 = p1 + c dans un magasin proche de chez lui ; et payer le coût de déplacement c pour acheter ailleurs au prix de la concurrence p1. Toutes les firmes ont dès lors intérêt à pratiquer cette tarification au coût marginal (p1 = cm) augmentée du coût de déplacement c. Ce nouveau prix de marché p2 = p1 + c, identique ponctuellement entre toutes les firmes peut connaître une nouvelle vague d’augmentation pour les mêmes raisons. Le consommateur sera encore indifférent entre payer p3 = p2 + c le prix fort ou payer le coût de déplacement c pour acheter ailleurs au prix p2. Cette spirale inflationniste s’arrêtera uniquement lorsque le prix sera égal à celui qui prévaudrait en monopole (le prix qui maximise le profit individuel de chaque firme). 

Ce paradoxe est souvent étendu au marché du travail. Les demandeurs d’emploi peuvent être mis en parallèle avec les consommateurs car ils ont un coût de recherche d’emploi. L’équilibre du marché du travail amène à un équilibre paradoxal où chaque agent est rétribué à son salaire de réserve (le plus faible salaire qu’il est prêt à accepter) et non à sa productivité marginale, ce qui in fine peut conduire à ôter toute incitation au travail. Le raisonnement est similaire à l’étude des autres marchés, sauf qu’ici le coût de recherche est soustrait au salaire proposé par les firmes qui embauchent. Ainsi, sur un marché de l’emploi où les agents sont identiques et les firmes en nombre important, l’existence d’un coût de recherche d’emploi incite les firmes à diminuer tour à tour le salaire proposé puisque les agents sont indifférents entre accepter un emploi au salaire X diminué de leur coût de recherche c (X – c) et chercher un autre emploi au coût c et au salaire X. Cette spirale déflationniste s’arrêtera uniquement lorsque le salaire sera égal au salaire de réserve.

Si cette théorie apporte un grand éclairage sur les frictions de marché et les stratégies d’offuscation des firmes ; on peut néanmoins échapper à ce paradoxe en prenant en compte que sur la plupart des marchés, les produits sont différenciés et les goûts des consommateurs diffèrent quant au produit qui leur convient le mieux. Vous l’avez donc compris, c’est en suivant les effets de mode, « comme des moutons de Panurge », que vous payerez le plus cher vos biens.

Ariane Alla

Références : 
Peter A. Diamond P.A., 1970, « A model of price adjustment »
Foucart R., 2012, « Dispersion des prix et efficacité des marchés compétitifs »,
Anderson S.P., Renault R., 1996« Produits différenciés et information imparfaite des consommateurs »