Les startups, véritable représentation d’un potentiel renouveau du tissu productif, sont régulièrement citées dans l’actualité économique et politique. Malgré l’utilisation fréquente du mot, aucune définition statistique officielle ne semble se dégager. Selon Bpifrance [i], une startup doit retenir un ensemble de trois critères cumulatifs :
- Un fort potentiel de croissance
- L’utilisation d’une technologie nouvelle
- Un fort besoin de financement
De son côté, Eurostat la définit comme une entreprise ayant enregistré un taux de croissance annuel moyen (TCAM) de ses effectifs d’au moins 10% sur trois ans avec au moins 10 salariés au début de la période de croissance. Parmi ces startups, les plus jeunes (4 à 5 ans) sont des « gazelles ».
On peut donc retenir qu’une startup est une « jeune » entreprise, souvent innovante et reposant sur des nouveaux modèles d’affaires (business model). Également, ces entreprises sont souvent caractérisées par de forts besoins de trésorerie pour financer des activités de R&D, production et commercialisation. Enfin, les startups possèdent souvent des actifs intangibles et n’ont pas de passif bancaire. Pour toutes ces raisons, elles constituent une classe d’actif risquée. Les investisseurs traditionnels se montrent donc frileux pour les financer. Il faut donc l’intervention d’investisseurs spécialisés, les capital-risqueurs.
Le capital risque (venture capital), en forte croissance depuis 2013 en France, soutient le développement de jeunes entreprises, inadaptée au circuit de financement par le crédit bancaire. La participation des capital-risquer dans le capital de l’entreprise apportent des liquidités permettant de soutenir la croissance des activités.
On peut distinguer trois stades de financement des « jeunes pousses », selon différentes étapes de financement : l’amorçage (seed), le démarrage et la croissance (stade ultérieur). C’est entre la phase de démarrage et de croissance que les startups connaissent les plus forts besoins en trésorerie. Ces besoins peuvent engendrer des difficultés financières et expliquent la forte mortalité des startups : c’est la vallée de la mort.
Les financements au stade du démarrage sont souvent des montants relativement modestes, ils ont vocation à fournir aux entrepreneurs un capital suffisant pour développer un produit, réaliser une étude de marché et imaginer un business plan. En France, c’est en 2013 que ces montants repartent à la hausse signe d’une reprise durable après la crise économique de 2007-2008. En 2017, 262 millions de dollars ont été injectés lors du stade de démarrage.
Cette première étape franchie, les nouveaux financements soutiennent des activités de marketing, le lancement de la production et la commercialisation. Les quantités de liquidités consommées (cash burn rate) sont élevées et la rentabilité de l’entreprise pas toujours assurée.
Le stade ultérieur consiste en l’expansion de l’activité (conquête de nouveaux marchés, exportations, etc). Il s’agit de pérenniser la croissance de l’entreprise et préparer l’ouverture du capital au public (introduction en bourse). Selon J. Chamboredon, co-président de France Digital, la France s’est historiquement doté d’investisseurs de qualité mais connait un déficit de financement à ce stade de développement. D’après lui, 60 % des augmentations de capital de plus de 10 millions de dollars sont menés par des investisseurs internationaux.
La création de Bpifrance en 2012 témoigne de la volonté des pouvoirs publics de soutenir le développement du financement des startups. L’un des objectifs de Bpifrance est de constituer un secteur solide et dynamique du capital-risque, en soutenant les capital-risqueurs et les startups. Pourtant, M. Ekeland, A. Landier et J. Tirole (2016) soutenaient que la France connaissait encore un déficit d’attractivité du capital-risque, avec un faible écosystème et peu de business angels.
Pour autant, la croissance du capital-risque est forte. Entre 2015 et 2020, les investissements ont été multipliés par deux. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce retard. Premièrement, la France ne dispose pas d’investisseur institutionnel contrairement aux États-Unis. Deuxièmement, le marché européen est fragmenté et ne constitue pas un marché unifié des capitaux ou un marché potentiel unique pour les startups (France Stratégie [ii]). D’autres facteurs concernent le nombre de création d’entreprise et la part d’entreprise à forte croissance. Selon l’OCDE, l’Allemagne et le Royaume-Uni sont les deux pays d’Europe avec le plus grand nombre d’entreprise à forte croissance en 2015.
Il serait pourtant dommageable de se priver des effets positifs du capital-risque. C. Granier (2020) montre que les startups françaises contribuent au renouvellement de l’industrie française. De plus, le capital-risque soutiendrait l’innovation [iii]. Une riche littérature a été développée sur ce sujet et K. Arrow (1995) avait déclaré que « le capital-risque a fait beaucoup plus, je pense, pour améliorer l’efficacité que tout autre chose« .
Un des leviers encore peu développé en France concerne le ciblage de l’épargne des français vers les jeunes pousses [iv]. Pourtant, plusieurs réglementations favorables aux financement des startups par l’épargne ont été mis en place (euro-croissance, loi Sapin 2, loi PACTE).
En conclusion, la France dispose connaît une forte croissance du capital-risque qui permet de soutenir le développement d’un bon écosystème de financement des startups. Cependant, le manque d’opérations « late stage » accroit la dépendance aux investisseurs étrangers et peut limiter l’ambition des entrepreneurs français. La France pourrait donc progresser sur ces opérations afin d’approcher le Royaume-Uni, pays d’Europe avec la part la plus importante du capital-risque dans son économie.
Maxence Dolais, Erwan Audren
[i] : https://bpifrance-creation.fr/moment-de-vie/quest-ce-quune-startup
[ii] : France Stratégie (2016), « Capital-risque : quelles voies de réforme pour le financement de l’innovation en France ? »
[iii] : Un soutien empirique robuste pour un impact positif du capital-risque sur l’innovation : A. Paula Faria, N. Barbosa (2014), « Does venture capital really foster innovation », Economics Letters.
[iv] : Un état des lieux de l’évolution de l’épargne des ménages Français est disponible ici