Menu Fermer

Le cours de l’or dans les crises économiques, FR/EN (Graphique)

Quels sont les déterminants du cours de l’or ? Pourquoi dit-on que l’or est une valeur refuge ? 

Une valeur refuge est un actif dont la valeur est stable, voire grimpante, caractérisé par une forte stabilité lors de son acquisition, contrairement aux actifs volatiles. Ces derniers plaisent par leurs gains potentiels particulièrement élevés, mais sont risqués : les pertes potentielles sont tout aussi importantes. Afin de contrebalancer ce niveau de risque, les agents incorporent à leur portefeuille d’actifs une ou plusieurs valeurs refuges, on parle de diversification d’investissement [i]. C’est notamment le cas de l’or, réputé pour son cours stable, avec parfois une tendance ascendante à court-terme lorsque les marchés boursiers mondiaux décrochent. On observe depuis 2005 une hausse significative du cours de l’or, qui s’est accentuée lors des crises économiques de 2008 et de 2020. Pourquoi l’or parvient-il à décoller lorsque tout s’effondre ?

La tangibilité de l’or

L’or ne génère aucun intérêt, ne produit aucun revenu, mais il est bien réel : c’est une valeur tangible. Cette caractéristique produit un effet psychologique rassurant chez les investisseurs, surtout lors de crises financières. L’épargnant bénéficie d’une sûreté réelle liée à la propriété de l’actif. Ainsi, l’once d’or (31 grammes) atteint sa valeur record le 7 août 2020, en pleine crise sanitaire de la Covid19, s’élevant à 1965 dollars. Plus impressionnant encore, la crainte d’une récession a fait bondir les achats d’or réalisés par les fonds d’investissement de type ETF [ii] de 400 % en 2019.

Corrélation négative : les marchés boursiers, les taux d’intérêt, la monnaie

En période de crise économique, les épargnants veulent préserver la valeur de leur épargne de la mauvaise conjoncture. Or, il n’existe pas de corrélation positive entre le cours de l’or et les marchés boursiers. A titre d’exemple, en 2011, alors que les actions en bourse perdaient jusqu’à 24 % de leur valeur [iii], le cours de l’or s’appréciait de 20 %. L’or apparaît comme un placement non seulement fiable, mais aussi particulièrement rentable en période de crise.

L’or entretient également une corrélation négative avec les taux d’intérêt. En effet, lorsque les taux d’intérêt sont très bas, voire négatifs, l’alternative est soit d’investir dans les obligations (dont la rémunération sera nulle voire négative), soit de placer dans l’or qui, à défaut de générer un revenu, ne comporte qu’un faible risque de dépréciation de sa valeur. Dans ce contexte, l’or devient un placement compétitif pour diversifier son patrimoine. C’est pourquoi nous observons une hausse du cours de l’or à partir du premier semestre 2019, période durant laquelle les taux d’intérêt des OAT [iv] de la zone euro sont tombés dans le négatif.

Enfin, il n’existe pas non plus de corrélation positive entre le cours de l’or et le marché des devises. Depuis la fin du système étalon-or en 1971, le dollar n’est plus indexé à l’or. Etant donné que c’est la monnaie dominante dans le monde, cet évènement a fini par déconnecter le cours de l’or du marché des devises.

Le soutien des banques centrales

A la fin de ce système monétaire international, les banques centrales ont malgré tout conservé leurs réserves d’or. Jusqu’à aujourd’hui, les banques centrales avaient plutôt tendance à investir dans le dollar et les obligations américaines. Mais la situation actuelle des Etats-Unis soulève désormais d’importantes questions. Les incertitudes autour de la solvabilité du trésor américain [v], du rôle international du dollar [vi], et de la dévaluation du dollar à l’aide de la “planche à billets”, font baisser la confiance dans le dollar. L’or apparaît comme un investissement alternatif au dollar du fait qu’il ne soit le passif de personne [vii] et qu’il soit universellement reconnu comme réserve de valeur. Héritage de l’étalon-or, le métal jaune est aussi traditionnellement négativement corrélé au cours du dollar, ce qui en en fait un outil de diversification efficace. En 2019, les banques centrales des pays émergents ont ainsi acheté 650 tonnes du métal précieux, après 656 en 2018. Ce sont principalement la Turquie (159 tonnes), la Russie (158 tonnes) et la Chine (95 tonnes) qui sont à la manœuvre [viii]. D’après le Fonds Monétaire International, les réserves mondiales d’or des banques centrales et institutions financières internationales avoisinaient les 34 000 tonnes en 2019. Ce soutien massif des banques centrales dans l’achat d’or fait mécaniquement augmenter sa valeur, ce qui renforce la confiance des investisseurs dans cet actif lors des crises économiques.

Corrélation positive : l’inflation

En période de crises inflationnistes l’or prend de la valeur. Cela s’explique par le fait que l’inflation augmente plus vite que les taux d’intérêt. L’or apparaît comme une véritable protection face à la hausse des prix. Mais il ne devient un placement intéressant que dans les périodes de forte inflation, durant lesquelles on aura des taux d’intérêt très bas voire négatifs. Plusieurs signaux indiquent qu’il faudrait s’attendre à une reprise de l’inflation dans les mois à venir, et donc à une nouvelle hausse du cours de l’or (corrélation positive). Pourtant, c’est l’inverse qui se produit. En effet, le recours massif au Quantitative Easing[ix] a assoupli les conditions de financement et considérablement soutenu le cours de l’or, alors que la tendance inflationniste était à la baisse. Nous pouvons en déduire qu’à long-terme, la corrélation entre l’inflation et la valeur de l’or est vérifiée, mais une autre corrélation négative semble prendre le dessus à court-terme [x].

 

Conclusion

En conclusion, l’or constitue une valeur refuge en raison du fait que ses déterminants restent stables au cours du temps. Cette caractéristique fait du métal jaune un placement très convoité en période de crise économique. Alors que les cours des marchés boursiers s’effondrent, que les taux d’intérêt obligataires restent peu attractifs, et face au potentiel déclin du dollar américain, l’or protège ses investisseurs de la mauvaise conjoncture.

La crise sanitaire liée à la Covid19 n’étant pas encore terminée, la crise économique qui en découle risque de se prolonger, le cours de l’or pourrait atteindre de nouveaux records en 2021. Toutefois, le nombre important d’investisseurs déjà positionnés sur l’or pourrait présager une situation inverse. Dans la perspective d’une forte reprise économique, il est peu probable que les épargnants augmentent de manière significative leurs placements en or au cours des prochains mois. Les investisseurs conserveront probablement une part d’or dans leur portefeuille, constituant ainsi des fondamentaux de qualité, et en cas de mouvements baissiers, ils se tourneront de nouveau vers des valeurs refuges.

 

Marion Chadal

[EN]

 

What are the determinants of the price of gold? Why do we say that gold is a safe haven?

A safe haven is an asset whose value is stable, if not climbing, characterized by a strong stability at the time of purchase, as opposed to more volatile assets. The latter attract thanks to their particularly high potential gains, but also come with a risk: potential losses are just as high. In order to offset this level of risk, agents incorporate one or more safe havens into their portfolios, this is referred to as investment diversification. This is notably the case when it comes to gold, renowned for its steady prices, which can even have an upward trend in the short term when the global markets slow down. Since 2005, there has been a significant increase in the price of gold, which was intensified by the economic crises of 2008 and 2020. How does gold manage to take off when everything else is collapsing?

The tangibility of gold

Gold does not generate any interest, nor does it create any income, but it is a real good: it is a tangible value. This characteristic produces a reassuring psychological effect on investors, especially during a financial crisis. The investor benefits from tangible collateral through the ownership of the asset. Thus, the ounce of gold (31 grams) reached its record value on August 7, 2020, in the midst of the Covid19 health crisis, amounting to $ 1,965. What’s more, the fear of a recession caused gold purchases by ETF-type investment funds [ii] to jump by 400% in 2019.

Negative correlation: stock markets, interest rates, currency

In times of economic crisis, investors want to protect the value of their savings from the unfavourable economic context. However, there is no positive correlation between the price of gold and the stock markets. For example, in 2011, when listed stocks lost up to 24% of their value on the markets [iii], the price of gold rose by 20%. Therefore, gold appears to be an investment that is not only reliable, but also particularly profitable in times of crisis.

Gold also has a negative correlation with interest rates. Indeed, when interest rates are very low, or even negative, the alternatives are either to invest in bonds (whose turnover will be null, if not negative), or to invest in gold which, failing to generate any income, carries only a low risk of value depreciation. In this context, gold becomes a competitive investment for diversifying one’s assets. This is why we have seen a rise in the price of gold from the first half of 2019, a period during which the interest rates on OATs [iv] in the euro zone fell into negative territory.

Finally, there is also no positive correlation between the price of gold and the currency market. Since the end of the gold standard in 1971, the dollar has no longer been pegged to gold. Since it is the dominant currency in the world, this event dissociated the price of gold from the currency market.

Support from central banks

At the end of this international monetary system, central banks still retained their gold reserves. Until now, central banks have had a tendency to invest in the dollar and US bonds. But the current situation in the United States is raising some important questions. Uncertainties around the creditworthiness of the US treasury [v], the international role of the dollar [vi], and the dollar’s devaluation due to the “printing press” are lowering confidence in the dollar. Thus, gold appears to be an alternative investment to the dollar because it is nobody’s liability [vii] and because it is universally recognized as a store of value. Inherited from the gold standard, the yellow metal is also traditionally negatively correlated with the dollar rate, making it an effective diversification tool. In 2019, central banks in emerging countries bought 650 tonnes of the precious metal, after purchasing 656 in 2018. This was mainly done by Turkey (159 tonnes), Russia (158 tonnes) and China (95 tonnes) who are making a great effort [viii]. According to the International Monetary Fund, the international gold reserves of central banks and global financial institutions were around 34,000 tonnes in 2019. This massive support from central banks in the purchase of gold automatically increases its value, which strengthens investor confidence in the asset during economic crises.

Positive correlation: inflation

In times of inflationary crises, gold increases in value. This is because inflation is rising faster than interest rates. Gold appears to be a real protector against rising prices. But it only becomes an attractive investment in times of high inflation, during which interest rates will be very low or even negative. Several signals indicate that one should expect a pick-up in inflation in the coming months, and therefore, a further increase in the price of gold (positive correlation). However, the reverse is also true. Indeed, the massive employment of quantitative easing [ix] improved financing conditions and considerably supported the price of gold, while the inflationary trend was downward. We can deduce that in the long run the positive correlation between inflation and the value of gold is true, but a negative correlation seems to take over in the short run [x].

 

Conclusion

In conclusion, gold is a safe haven because its determinants remain stable over time. This characteristic makes the yellow metal a highly desirable investment in times of economic crisis. As stock market prices collapse, bond interest rates remain unattractive, and in the face of the potential decline of the US dollar, gold shields its investors from poor economic conditions. The Covid19 health crisis is not yet over, thus, the resulting economic crisis is likely to continue and the price of gold could reach new records in 2021. However, the large number of agents already investing in gold could presage a reverse situation. With the prospect of a strong economic recovery, savers are unlikely to significantly increase their holdings in gold in the coming months. Investors are likely to still keep some gold in their portfolios, providing good fundamentals, and if there is a downward movement, they will turn once again to safe havens.

 

Références :

[i] Théorie du choix de portefeuille : développée en 1952 par Harry Markowitz. Il expose la façon dont les investisseurs diversifient leur portefeuille afin d’optimiser leur espérance de gain selon le risque qu’ils choisissent d’encourir. Cette stratégie consiste en un arbitrage entre le risque d’un actif en fonction de son prix, par rapport au risque moyen du marché.
[ii] Exchange Traded Funds : fonds indiciels destinés à répliquer les variations et donc les performances d’un indice boursier.  Par exemple, un ETF indexé sur le CAC 40 permettra d’investir dans toutes les entreprises du CAC 40 de manière simultanée.

[iii] A titre d’exemple, l’indice boursiers CAC 40 est en recul de 17% en 2011.

[iv] Obligations Assimilables du Trésor : ce sont des emprunts émis par l’Etat français pour se financer, leur durée peut aller de 7 à 30 ans, et les taux d’intérêt OAT servent de référence pour les organismes prêteurs afin d’établir des taux de crédit à taux fixes.

[v] Zhiguo He & Arvind Krishnamurthy,“Are US Treasury Bonds Still a Safe Haven?”, 2020, National Bureau of Economic Research. https://www.nber.org/reporter/2020number3/are-us-treasury-bonds-still-safe-haven

[vi] Françoise Nicolas , « Dollar contre renminbi : chronique (prématurée) d’un déclin annoncé », 2020, Questions internationales n.102. https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/dollar_contre_renminbi_chronique_prematuree_dun_declin_annonce.pdf

[vii] Contrairement aux autres titres sur les marchés, l’or n’est dû à personne. Il n’est pas une dette et n’est donc pas soumis aux risques liés à la solvabilité de l’agent sur qui on détient la dette.

[viii] https://www.gold.org/goldhub/data/monthly-central-bank-statistics

[ix] Dynamique des masses monétaires en zone euro, Partageons L’éco https://partageonsleco.com/2021/03/22/masses-monetaires-zone-euro-graphique/

[x] Ghalayini, Latifa, and Farhat, Sara. (2020), Modeling and Forecasting Gold Prices, Journal of Economics and Business, Vol.3, No.4, 1708-1729

https://ideas.repec.org/p/osf/osfxxx/u5mz6.html

Bibliographie:

  • Harry M. Markowitz, « Foundations of Portfolio Theory », Nobel Lecture, 1990, Baruch College, The City University of New York.
  • Zhiguo He & Arvind Krishnamurthy,“Are US Treasury Bonds Still a Safe Haven?”, 2020, National Bureau of Economic Research.
  • Françoise Nicolas , « Dollar contre renminbi : chronique (prématurée) d’un déclin annoncé », 2020, Questions internationales n.102.

Source des données:

Retrouvez toutes nos productions, relues par des enseignants et chercheurs de l’enseignement supérieur, ainsi que nos actualités sur http://partageonsleco.com