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Quelques indicateurs du marché du travail

Le 26 janvier dernier, la plupart des médias reprenaient une information surprenante, à savoir une baisse de 12.6 % des chômeurs en France sur un an (en 2021). Cependant, si ce chiffre est vrai il ne correspond pas toujours à la réalité économique. En effet, cette baisse ne correspond pas à une chute du taux de chômage mais à une réduction des demandeurs d’emploi de catégorie A de Pôle emploi. Ci-dessous quelques explications :

Avant de s’intéresser aux indicateurs essentiels pour comprendre les dynamiques sur le marché du travail, il convient d’en définir les populations associées. Au sein de la population générale d’un pays (la France compte 67.4 millions d’habitants au 1er janvier 2021 [i]), on distingue la population active et les inactifs. Les premiers sont présents sur le marché du travail tandis que les seconds non (élèves, étudiants, retraités…).

Ensuite, il faut distinguer les actifs occupés (personnes âgées de 15 ans ou plus en emploi) et les actifs inoccupés (personnes au chômage [ii]). On peut ainsi retrouver l’indicateur du taux de chômage. Cependant, le taux de chômage est un indicateur répondant à des conventions internationales (Bureau International du Travail, BIT). Il est mesuré par l’Insee en France. Ce faisant, cet indicateur peut permettre des comparaisons internationales puisqu’il repose sur des conventions adoptées par les différents pays souhaitant le calculer ; bien que l’interprétation de certains des critères (notamment le fait de rechercher activement un emploi) puisse varier en fonction des pays (Gautié, 2015 [iii]).

Le chiffre évoqué en introduction ne correspond pas à cet indicateur mais à une autre mesure faite par Pôle-Emploi, celle des demandeurs d’emploi de catégorie A. Cette catégorie concerne les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle-Emploi, tenus de faire des actes positifs de recherche d’emploi et étant sans emploi. En ce sens, c’est la catégorie de population de Pôle-Emploi se rapprochant le plus du chômage au sens du BIT. Cependant, de fortes disparités peuvent exister entre les deux indicateurs [iv]. Pour essayer de comprendre ces différences, une équipe composée de membres de l’Insee, de la Dares et de Pôle emploi [v] ont déterminé que 56 % des inscrits en catégorie A ayant pu être identifiés sont au chômage au sens du BIT, 20 % sont dans le halo autour du chômage [vi] (considérés comme inactif), 16 % sont inactifs hors halo du chômage et 9 % sont en emploi. Ainsi, prendre la baisse de la catégorie A de Pôle emploi comme une réduction du taux de chômage peut s’avérer problématique si on ne cherche pas à identifier les populations concernées.

Cette interrogation ouvre davantage de questions quant à la construction des différents indicateurs, leurs limites et utilisation pour percevoir l’hétérogénéité des situations sur le marché du travail ainsi que « l’attraction irrésistible exercée par le chiffre unique » [vii] permettant de simplifier voire de confondre les réalités mesurées par ces outils statistiques.

Erwan Audren

 

Références :

[i] S.Papon, C. Beaumel (2021), « Avec la pandémie de Covid-19, nette baisse de l’espérance de vie et chute du nombre de mariages », Insee première, n°1884, Janvier 2021.

[ii] E.Audren (2020), « Evolution du taux de chômage en France », Partageonsl’éco, février 2020.

[iii] Gautié, J. (2015). Le chômage. Paris : La Découverte.

[iv] E.Audren (2020), « Evolution du taux de chômage en France », Partageonsl’éco, février 2020.

[v] A.Hameau, S.Larrieu, C.Dixte, S.Hamman et cie, « Appariement entre l’enquête Emploi et le fichier historique de Pôle emploi sur la période 2012 – 2017 », Juillet 2019.

[vi] E.Audren (2020), « Le halo du chômage », Partageonsl’éco, avril 2020.

[vii] J.Freyssinet (2009), « La mesure du chômage : un enjeu de société », Cahiers français, novembre, décembre 2009.

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